Chaque jour, nous générons, individuellement, une manne d’informations avec nos applications, nos tablettes et nos téléphones intelligents. Et nous commençons à peine à voir le potentiel de ces données. Les caméras permettent de comprendre et d’anticiper vos déplacements. Vos achats en ligne offrent des profils de consommateurs de plus en plus raffinés. Vos fureteurs communiquent vos habitudes de navigation. La technologie est omniprésente.
Ces technologies permettent notamment un accès plus facile aux services et aux données publiques, une meilleure gestion de nos investissements et une efficacité accrue de nos politiques publiques. Plusieurs y voient une opportunité de transformation de nos institutions. C’est ainsi que, depuis une quinzaine d’années, les concepts de ville intelligente, de production participative (crowdsourcing), de gouvernance et de données ouvertes ont émergé des pays occidentaux. Un vaste mouvement qui cherche à développer une gouvernance plus efficiente, plus ouverte, plus transparente.
En vérité, ces concepts s’appuient tous sur un constat — l’importance de réduire les coûts pour obtenir des données de qualité et pour assurer une plus grande participation citoyenne.
« L’intelligence urbaine, c’est la capacité à comprendre ce qui se passe autour de nous […] il faut lâcher les gadgets techno pour se concentrer sur l’information » — Jean-Yves Fréchette, Institut de gouvernance numérique
Une contribution citoyenne omniprésente
Peut-on saisir cette opportunité pour générer des données «démocratiques», ou citoyennes? Ces données peuvent-elles permettre une contribution à la vie politique qui dépasse un vote aux quatre ans ou une simple question au conseil municipal? En d’autres mots, toutes ces données peuvent-elles favoriser une réappropriation du pouvoir collectif tout en appuyant l’exercice de la gouvernance par nos élus ?
Actuellement, le coût de la participation citoyenne au sein des institutions et de l’accès aux informations publiques est relativement élevé. Mais le coût des outils informatiques pour la générer et la capter est de plus en plus faible.
Votepour.ca a vu là une belle occasion d’élargir la portée du pouvoir citoyen. Installé à Québec, Votepour.ca est un organisme de participation citoyenne, de consultation publique et un incubateur de projets axés sur le développement local qui met à profit les données recueillies. En 16 mois, nous avons réalisé 15 campagnes de participation citoyenne et obtenu plus de 4000 participations individuelles en recourant simplement à des formulaires Google gratuits, à des tablettes numériques, à de bonnes questions… et à beaucoup de travail de terrain! Parce que la collecte de données ne passe pas que par le numérique.
Le coût pour capter les expériences, les opinions et les besoins des citoyens est quasi nul. À dire vrai, Votepour.ca génère plus de données que ce qu’il est en mesure d’exploiter. Cette abondance tient au fait que nous recueillons tant la contribution citoyenne volontaire (réponse à un sondage ou participation à une assemblée) que la contribution involontaire (observation des habitudes et des gestes inconscients).
Par exemple, la simple observation des gens dans un espace public peut fournir énormément d’information : où les gens s’abritent-ils du soleil? Combien de temps restent-ils? Sont-ils plutôt seuls ou en groupe? Que font les enfants? Ajoutez à ces observations quelques questions : que voudraient-ils ajouter au lieu? Quels sont les irritants? Et vous avez toutes les données utiles pour concevoir un espace de vie réellement adapté à leurs besoins.
Mutation du rôle du citoyen : sortir la majorité de son silence
Après un peu plus d’un an sur le terrain, nous avons tiré quelques constats. D’abord, les gens contribuent plus aisément lorsque nous frappons à leur porte ou allons dans les endroits qu’ils fréquentent. Si nous nous adaptons à leurs habitudes, le « coût » de leur contribution est moindre que s’ils devaient, par exemple, l’exprimer en conseil municipal et la consultation est efficace : 70 % de nos participants veulent être informés de la suite des choses et une personne sur trois veut s’impliquer activement. De la simple participation émerge donc un potentiel de mobilisation citoyenne que nous commençons à peine à exploiter. Soudainement, le sociofinancement, le design participatif et la mise sur pied d’une multitude de projets deviennent beaucoup plus puissants et créatifs.
Nous constatons par ailleurs que les municipalités et les organismes avec lesquels nous travaillons ont besoin de données de qualité sur leurs résidents et usagers. Non seulement ces données alimentent la conception et l’évaluation de leurs actions et de leurs programmes, mais elles assurent une plus grande acceptabilité sociale et une mobilisation constructive dans l’espace public. Une façon de sortir la majorité de son silence!
Mais notre constat le plus important est qu’il y a une réelle intelligence collective dans nos communautés et qu’elle est sous-exploitée. Les opinions exprimées lors de nos consultations produisent une richesse de connaissances, d’expertises et d’expériences individuelles qui reste sous- utilisée alors qu’elle permet de mettre en œuvre des solutions simples et innovantes pour améliorer nos communautés. Et de donner un nouveau souffle au pouvoir collectif.