Alors que chacun porte un regard différent sur les projets qui se développent dans nos communautés, concilier les intérêts des promoteurs, des institutions et des citoyens est souvent un exercice difficile et frustrant. Pourtant, des solutions existent et méritent d’être partagées pour améliorer les pratiques.
Au moment où le nouveau règlement sur la participation publique vient changer la dynamique des consultations publiques dans l’aménagement du territoire, débattre de l’acceptabilité sociale et de ses différentes perspectives est opportun et essentiel.
L’acceptabilité sociale : un principe, un critère ou un processus ?
Qu’elle soit vue comme un principe corollaire du développement durable , un critère de décisions publiques ou un processus de négociation sociale , l’acceptabilité sociale est dépendante d’un effort de médiation d’intérêts entre institutions, promoteurs et communautés locales pour arriver à un projet qui sera perçu comme étant légitime aux yeux des parties prenantes.
Elle s’impose dans plusieurs secteurs d’activité susceptibles de soulever des contestations fréquentes : infrastructures publiques (transports, matières résiduelles, lignes électriques, ports), gestion des ressources naturelles (mines, hydrocarbures, forêts), projets immobiliers et urbains (logements sociaux, développement autoroutier, sites d’injection et densité urbaine), etc.
Au sein de nombreuses communautés, les projets présentés aux citoyens sont parfois déjà bien ficelés et même approuvés tacitement ou ouvertement par les décideurs. Les membres de la communauté ont souvent l’impression d’être mis devant le fait accompli, alors qu’ils voudraient débattre des impacts environnementaux, de santé publique ou économiques des projets qui leur sont présentés.
Or, la notion d’acceptabilité sociale reste encore difficile à cerner et, surtout, à appliquer. Est-elle une mesure ou un processus ? Est-ce qu’on la construit ou on la constate ? Est-ce qu’elle se résume à changer l’opinion qu’ont les citoyens et acteurs locaux d’un projet ou sert-elle plutôt à changer un projet en fonction d’eux ?
Et même si nous avons une compréhension suffisante de cette notion pour en dégager les contours, son application à travers des actions concrètes reste bien variable. Après tout, elle englobe à la fois des actions de communication, de transparence, d’analyses d’impacts, de consultations, de participation active et de rétroaction. Et pour chacune de ces actions, il existe 1001 façons d’informer et de capter l’opinion des citoyens et des acteurs locaux. Comment s’y prendre? Quels types d’approches privilégier? Quelles actions choisir et à quels moments?
Votepour.ca a réuni des perspectives variées pour dégager des constats
Comme c’est le cas de plusieurs autres organismes et firmes-conseils au Québec, Votepour.ca déploie une multitude d’actions pour jouer un rôle d’accompagnateur pour les communautés, les institutions publiques et les promoteurs. Fort de l’expérience acquise au fil des 15 000 contributions citoyennes effectuées en quelques années et des centaines de discussion avec différents acteurs, un constat saute aux yeux : qu’il s’agisse d’élus, de professionnels, de citoyens, d’organismes locaux ou de chercheurs, chacun conçoit l’acceptabilité sociale et les façons de l’atteindre différemment. Les perspectives sont multiples, diverses et parfois opposées. Ce qui représente un exercice de relations publiques pour certains constitue une porte ouverte au “not in my back yard” (NIMBY) pour d’autres.
C’est donc dans cet esprit et avec l’appui de quelques partenaires, dont le Secrétariat de l’Accès à l’information et à la Réforme des institutions démocratiques, que Votepour.ca a organisé son premier forum sur l’acceptabilité sociale. Le 13 mars 2018, plus d’une centaine d’acteurs provenant d’un peu partout au Québec et ayant des regards variés sur ce qu’est l’acceptabilité sociale se sont rassemblés à l’Université Laval. Ces professionnels municipaux, représentants d’institutions publiques, promoteurs, experts, organismes locaux et associations citoyennes ont discuté de différentes expériences d’acceptabilité sociale, de consultations publiques et de bonne intégration de projet dans une communauté.
L’objectif : ouvrir le débat sur des questions parfois délicates et dégager les constats entourant de bonnes pratiques pour favoriser l’acceptabilité sociale.
Forum sur l’acceptabilité sociale : synthèse des principaux constats
Cette synthèse s’appuie sur le travail de ceux et celles qui ont rapporté les propos des panélistes et des conférenciers, ainsi que sur le travail réalisé lors d’atelier et à la suite d’une évaluation des participants en fin de journée. Elle présente les principes et les réflexions sur l’acceptabilité sociale les plus consensuels chez les participants et les conférenciers. Mais, elle ne sous-entend pas que tous les participants étaient en accord avec les constats que nous présentons.
Consulter sur un projet trop défini nuit à son acceptabilité
Voilà le constat qui a figuré en tête de liste de la journée. Présenter aux citoyens un projet préalablement défini, qui tient presque du fait accompli, provoque bien souvent des réactions négatives et rend l’exercice futile. De plus, quel que soit l’objectif du projet : densité urbaine, arrivée d’une nouvelle industrie ou dézonage agricole, pour ne mentionner que quelques cas, il est parfois difficile de discuter d’un projet particulier sans que les communautés aient d’abord eu l’occasion de discuter de leurs valeurs individuelles et collectives.
C’est pourquoi près de trois participants sur quatre au forum croient qu’il faut s’assurer d’une plus grande variété de participation en amont des processus d’autorisations publiques. De cette façon, les citoyens ont des occasions de s’exprimer et de partager leur opinion sur des aspects plus généraux, avant d’aborder des projets plus particuliers. Inversement, cela permet aux institutions de mieux comprendre les visions et les préoccupations des citoyens et d’analyser les résistances potentielles et les projets qui demanderont une plus grande attention.
« Si on fait une démarche plus en amont, elle va davantage traiter de la pertinence. Alors que si on est dans une approche pendant le développement du projet, on est beaucoup plus dans des mesures de mitigation, puis d’atténuation du projet où on essaie de bricoler, d’arranger au mieux un projet qui a été plus ou moins bien développé sur des préoccupations plus larges. » – Caroline Gagnon, professeur à l’Université Laval et panéliste lors du Forum sur l’acceptabilité sociale.
La transparence, la communication et la vulgarisation de l’information : clés de voûte de l’acceptabilité sociale
Afin de limiter les mauvaises perceptions entourant un projet, de comprendre les impacts positifs et négatifs qui en découlent ou encore de garantir le bon déroulement d’un processus de consultation, il est nécessaire de communiquer fréquemment et de façons diverses avec les parties prenantes. Sans une bonne compréhension des impacts, sans une information relativement neutre et une prévisibilité des étapes d’une démarche de participation, les citoyens et acteurs locaux peuvent difficilement jouer leur rôle et se prononcer sur le bien-fondé d’un projet. Les perceptions erronées et les opinions mal fondées prennent alors le dessus.
C’est ce qui explique que 80 % des participants au forum croient nécessaire de multiplier les moyens de communication en amont des processus d’autorisation publique et que trois participants sur quatre jugent essentiel d’informer les parties prenantes à chaque étape des processus d’autorisation publique. À la lumière des échanges retenus auprès des conférencières, panélistes et participants, il appert que cette communication doit reposer sur l’ouverture aux objections, sur l’écoute des arguments et des craintes et sur le respect mutuel des intérêts et des droits.
Cela passe également par une compréhension éclairée qui consiste à tenir compte des intentions et des intérêts de chacun, à démontrer les impacts positifs et négatifs des projets et à présenter les options possibles et acceptables en fonction des objections émises. Bien qu’un consensus ne soit pas toujours possible – et selon plusieurs participants, pas nécessairement un objectif en soi – une stratégie de communication soutenue, une information vulgarisée et un accès à une documentation objective sont certainement des conditions favorables.
« Information enables exercise of genuine considered judgment […] It increases participatory equality by narrowing the gap between layperson and expert, and between citizens of different classes, races and ethnicities […] It can enhance tolerance for other interests and perspectives and increase participants’ sense of political efficacy. » – Farina, Newhart, Heidt, Solivan. Balancing Inclusion and Enlightened Understanding in Designing Online Civic Participation Systems (2013). Lecture suggérée par un participant du Forum.
La diversification des méthodes pour impliquer les citoyens
Deuxième constat incontournable du Forum: diversifier les méthodes d’information, de consultation et de participation active. En plus d’avoir été évoqué par plusieurs panélistes, dont la présidente de l’Office de consultation publique de Montréal, 71 % des participants croient essentiel d’assurer une plus grande variété de participation en amont des processus d’autorisation publique, ce qui représente une proportion beaucoup plus significative que ceux qui la jugent importante pendant les processus.
Cette diversité d’interventions permet certainement de joindre plus de citoyens, mais surtout, d’inclure l’opinion de tous alors qu’elle peut s’exprimer de différentes façons. En plus des actions traditionnelles d’un processus de consultation classique (séances d’information, consultation ou audiences publiques), plusieurs méthodes ont été évoquées durant la journée :
- Rencontres thématiques ;
- Ateliers créatifs et prospectifs ;
- Jeux de rôles et de tables ;
- Activités autogérées ;
- Plateforme de consultation en ligne ;
- Visualisation des projets en 3D dans le contexte existant ;
- Colloques, forums et portes ouvertes ;
- Réalité augmentée et jeux interactifs.
Et ce n’est qu’une portion des quelque cinquante méthodes supplémentaires recensées. Elles ont évidemment toutes leurs forces et leurs faiblesses. La clé est de les maîtriser pour sélectionner les plus adaptées à un objet spécifique et à un contexte particulier plutôt que de choisir une démarche « mur-à-mur », trop normée et trop souvent utilisée. Il y a nombre d’exemples de sondages en ligne inaccessibles et trop complexes pour une population dont la littératie est faible ou des groupes de discussion qui génèrent plus de frustrations que de réponses. Savoir intervenir avec les méthodes pertinentes et au bon moment est une science. Heureusement, au Québec, il y a une multitude d’intervenants qui ont fait l’apprentissage de ces méthodes grâce à des années d’essais-erreurs et ce savoir-faire est désormais à la disposition des institutions et des promoteurs.
Guide, références et cas pratiques sur le site de Votepour.ca
Les impératifs du développement durable, les nouvelles notions de collectivités viables, d’urbanisme participatif, de rues conviviales et de quartiers à faible empreinte carbone font et feront de plus en plus partie de nos préoccupations de citoyens. Et c’est grâce à l’implication des communautés dans la prise de décision qu’ensemble, nous réussirons à développer des projets et des milieux de vie respectueux de la santé et de la diversité des résidents.
Toutefois, pour assurer le succès de cette culture de participation, il est essentiel d’être bien outillé et d’avoir accès aux méthodes qui ont fait leurs preuves. Consultez les projets réalisés par notre équipe et découvrez nos expertises en la matière.